Si les
humoristes ayant eu recours à la photographie sont rares, en revanche les
photographes qui ont créé des images avec humour ne le sont pas autant. En ce
qui concerne les premiers, nous pourrions penser à Willian Wegman ou à Yasumasa
Morimura, et , pourquoi pas, à Patricia Bonilla, brillante bien qu´inconnue,qui
réalisa, à la fin des années 70 et au début des années 80, une série
d´autoportraits qui devançaient ce que nous verrions autour de nous plusieurs
dizaines d´années plus tard. Dans le
deuxième cas, nous pourrions penser à Weegee ou Eliot Erwitt, et bien sûr à
Carlos Caicedo et d´autres journalistes graphiques qui ont eu recours à
l´instant décisif pour capturer sur un graphique des micro-évènements qui se passent
littéralement en un clin d´oeil.
Manuel Barón
appartient aux deux catégories. À l´aide de l´équipement le plus basique, il a
pris des séquences photographiques afin de réaliser des observations sur la vie
quotidienne, des mises en scène d´évènements routiniers qui se passent dans le
temps lent du jour après jour. Dans ces petits récits apparaît clairement une
critique de la modernisatión sans modernité, de la politique de développement à
outrance, de l´asymétrie entre le centre et les régions, et de la survivance du
rural dans le domaine urbain, traits caractéristiques de la société
colombienne. Quant à l´expression de notre nature sociale, Barón remémore l´écrivain
et dessinateur Roberto Fontanarrosa qui affirma " on ne produit pas
l´humour qu´on veut, mais celui qu´on peut faire, celui qui sort".
Dans cette
exposition, dans une série d´oeuvres réalisées au cours de l´année passée,
Manuel Barón a effectué le passage vers la vidéo, en faisant usage désormais du
temps et du mouvement, tout en maintenant l´extrême économie de moyens qui le
caractérise, sans que la nature essentielle de ses séquences s´en trouve
altérée pour autant.
En outre,
l´artiste a inclus une pièce graphique - La Cardeñosa de Lengupá - dans
laquelle il complexifie certaines figures idéologiques - la construction de
l´identité, le nationalisme, l´indigénisme - sans que cette intervention cesse
d´être, ou du moins de paraître, un hommage subtil à nos artistes Rómulo Rozo
et Sergio Trujillo Magnenat.
Mise à part
l´acuité avec laquelle Barón a interprété nos particularités sociales, cette
exposition démontre comment matérialiser des idées visuelles identiques au
moyen de la synthèse graphique et du langage de la vidéo.
Santiago Rueda
Título: La Cardeñosa de Lengupá Autor: Manuel Barón |
Les premiers espagnols à s'être aventurés sur le territoire des Teguas - furent trente hommes faisant partie d'une délégation envoyée par Gonzalo Jiménez de Quesada, en 1537, dans le but d'explorer les plaines orientales.
Les chroniqueurs racontent qu'alors qu'ils se frayaient un chemin entre les buissons, ils furent soudainement surpris en voyant une indienne d'une telle beauté qu'on l'aurait remarquée dans n'importe quel androit du monde.
Elle possédait tellement d'attributs que tous la regardaient avec admiration, la comparant à une dame de Santa Marta nommée la Cardeñosa, à laquelle elle n'avait rien à envier: en effet, son allure était identique, quant à sa beauté, si frappante, tout à la fois modeste et grave, elle aurait pu rivaliser avec celle d'une espagnole plus parée.
La Cardeñosa de Lengupá était guérisseuse, elle dominait les arts curatifs et thérapeutiques, et était chargée de préparer les breuvages au moyen des indications que lui donnaient les sages Teguas.
( Ce qui auparavant était territorie Tegua appartient aujourd'hui aux municipalités de Macanal et Campohermoso, dans la région du bas Lengupá du département de Boyacá ).